Night Circus, by Erin Morgenstern
The Night Circus, by Erin Morgenstern
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Un roman qui a pour héros un autiste de haut niveau. Il travaille pour une multinationale au sein d'une équipe d'autres autistes matheux dans la conception de nouveaux algorithmes et la recherche de 'patterns' dans des données expérimentales médicales et pharmaceutiques. Ce département tente de développer de nouveaux algorithmes sous une nouvelle approche, du fait de la structure neurologique particulière des autistes-matheux, de leurs aptitudes et de leurs handicaps propres.
Ce roman donne une vision décapante du monde de l'entreprise vue par les yeux d'un autiste, qui donc, a tendance à dépasser les faux-semblants, et à échapper au folklore de l'entreprise et à tout le cinéma qu'on fait autour, (ainsi qu'à la plus grande partie du contexte social là ou ailleurs) pour voir les faits de la manière la plus factuelle qui soit, c'est à dire entre autres choses l'affligeante réalité de l'entreprise telle qu'elle est, et qui voit bien les "leaders naturels" autoproclamés de l'entreprise pour les trous-du-cul qu'ils sont.
Le pitch du roman, est le suivant: il arrive un traitement (nanotech / rétrovirus + traitements médicamenteux) qui pourrait transformer des autistes adultes en "normaux", et l'entreprise exerce de fortes pressions pour qu'ils suivent ce traitement, pour des raisons visiblement pas très claires (raisons d'images ? mise au point de leur traitement expérimental ? En tous cas ça n'est pas très clair... Et la suite de l'intrigue montrera que la motivation est peut être même encore plus trouble qu'elle n'en a l'air).
Le problème, du point du vue du héros, c'est qu'être autiste ça n'est pas seulement un handicap, c'est sa personnalité, c'est (entre autres) sa structure neurologique particulière qui fait qu'il aime ce qu'il aime et qu'il pense ce qu'il pense, et c'est même à cause de (ou grâce à) son syndrôme qu'il est très performant dans le travail qui est le sien et qu'il aime faire. Alors, doit-il s'intégrer à tout prix dans une société "normale" en tant que sujet "normal" ? Faut il sortir de sa place à part pour être accepté comme pair par des gens et accomplir les mêmes gestes apparemment absurdes et autres rituels inutiles que ses amis normaux? Le prix pourrait en être sa personnalité, son amour pour la musique de Bach et de Schubert (ou en tous cas une transformation de la perception de la musique qu'il aime tant), et plus généralement un changement de perception de toutes les choses qu'il aime faire et des raisons pour lesquelles il aime les faire...
L'écriture d'Elizabeth Moon est agréable et facile à lire, le héros est méthodique, lent, logique, un peu obsessionnel, il avance doucement mais constamment. Les persos centraux sont très bien vu. L'auteuse est très bien renseignée sur les "high functionning autistic disorders" et les "autistes de haut niveau" (i.e. avec le langage), elle décrit très bien les difficultés sur certaines choses de la vie quotidienne, les choses qu'il déteste et pourquoi, ou ce qui l'ennerve et pourquoi, les routines et rituels qu'il entreprend et quel est leur rôle, ou ce qu'il remarque en priorité et qui le fascine et comment et pourquoi il peut s'y absorber pendant des heures. Bref, l'auteuse est très bien renseignée, (malgré une paire de "glitches" où elle ne repecte pas les règles de ce qu'elle a elle même décrit par ailleurs, ce qui a du échapper aux relecteurs probablement pas assez focalisé sur l'autisme, et qui me font penser que l'auteuse ne doit pas être elle même autiste).
L'histoire est très bien vue et très agréablement écrite, présentée sous un point de vue original. Elle fait bien sentir le filtre de perception différent qui s'intercale entre la réalité et le héros: là où notre attention serait attirée en priorité sur des visages humains ou des voix humaines ; le filtre de perception du héros traitera en priorité les couleurs, les nombres, les répétitions, les motifs, et les détails. L'attention du personnage principal et ses intérêts sont atypique. C'est souvent un motif de la moquette ou un alignement formé par tels ou tels objets qui sera remarqués en premier par les persos principaux alors que la voix humaine est percue comme un simple bruit parmi d'autre sauf si il se concentrent dessus et essaient de décoder les mots, et les visages humains ne sont que des formes parmi d'autres pas très faciles à reconnaitre, et surtout pas de loin... Elizabeth Moon reproduit presque la réussite de Mark Haddon dans "the curious incident of the dog in the night time" en faisant d'un personnage central autiste une personne crédible et étoffée. (Le roman de Mark Haddon n'est pas de la SF, c'est juste un adolescent Asperger qui découvre des secrets familiaux). Son monde est un futur proche pas très différent du notre mais avec des idées assez bien vues sur le futur de la médecine, de la justice, de la nanotech et de pas mal d'autres sujets perçus à travers la vie quotidienne.
C'est un roman sympathique et bien monté, pas mal centré sur l'autisme, mais que je conseille à tous les amateurs de SF, sur la problématique de que c'est que d'être soi même. Est-ce que la technologie qui permettrait de pallier à ses problèmes et de compenser ses faiblesses ne ferait pas de nous quelqu'un d'autre ? et autres questions du même ordre (ça me rappelle par certains côtés des romans de Greg Egan comme Diaspora ou Permutation City, dans lesquels les persos peuvent reprogrammer leur propre esprit puisqu'ils sont de simples modèles neuronaux (+modèles corporels) "uploadés" dans du hardware, et qu'ils vivent dans un monde virtuel, et où les questions d'indentité, de volonté, d'ego et de changement prennent de nouvelles dimension).
La fin du roman n'est pas aussi intense que ce que je l'avais espéré: un retournement peu attendu et peu expliqué (voire peu crédible) suivi d'une fin ... un peu courte. Mais bon, je suppose qu'elle avait déjà dit tout ce qu'elle avait à dire. Et j'ai passé un bon moment avant cette fin...
Afrique, quel est ton secret ? par Claudine AMBADIANG
Oh! Africa, Oh! Africa, Quel est ton secret?
Du haut des collines, je te pose la question. L’Afrique des noirs, l’Afrique des débaptisés, De quelle femme es tu née? De quelle couleur était ton père? De quelle couleur était ta mère? Comment se fait-il qu’au Maghreb tes enfants soient pâles? Comment se fait-il qu’en Égypte tes enfants soient aussi pâles? Pourquoi ceux d’Afrique du sud sont blancs noirs et ceux du Zimbabwe noirs? Oh Africa, dis-moi ton secret.
Ton père était-il un ancêtre de la guerre? Ta mère était-elle un ancêtre de la faim? Pourquoi en temps réel tout ce qui est lugubre est de toi? Oh! Afrique dis-moi ton secret.
Quand on parle de famine, on se réfère à toi, Quand on parle de Sida, on se réfère à toi, Quand on parle de guerre, on se réfère à toi, Quand on parle de mauvaise science, on se réfère à toi, Qu’as-tu Afrique de si mystérieux pour générer tant de légèreté? Tant de mépris? Si peu de considération? Oh, Afrique dis-moi ton secret.
Et pourtant de toi l’Europe s’est construite, De toi l’Amérique s’est bâtie Oh!Afrique, continent de ma mère et de mon père, donne-moi ton secret.
Tes fils sont énigmes, toi sous-développée, Comment puis-je le comprendre? Oh! Afrique, belle Afrique, dis-moi ton secret.
Tu as enfanté Senghor, poète et père de la négritude, Tu as enfanté Anan, patron des Nations unies, Tu as enfanté Mandela, Leader de l’admiration du siècle, Tu as enfanté Roger Milla, la fierté africaine, Tu as donné vie à l’ancêtre de Michael, le fils de Jackson, célèbre Musicien du monde, Tu as enfanté Zidane, le mérite de la France, Malgré tout tu restes toujours sous-développée, Oh, Afrique, mon Afrique, quel est ton secret?
On te donne toujours la place en dernier, On t’écoute très peu dans les débats entre continents, On se méfie de toi dans les ambassades, On te disqualifie avec hargne des compétitions internationales Oh, Afrique, quelle Afrique, quel contraste, dis-moi ton secret.
Tu m’as donné la vie, De moi tu devrais être très honorée, Malheureusement tu ne l’es pas. Chaque jour, tes enfants te désavouent pour aller chercher asile dans les continents que tu as si bien contribués à bâtir, Pourquoi te fuient-ils, toi mère de mon ancêtre Thomas le député?
Avec quelle eau dois-je te laver? Du Congo Brazzaville à celui de Kabila Père en passant par Lomé, tu es la même. C’est dire à sous-développée. Comment faire pour te développer, toi mon Afrique que j’aime?
Dans quelle université doit-on te former? Dans quelle école doit-on envoyer tes petits fils? Ô! Afrique, parle-moi de ton secret.
C’est chez toi qu’on définit la corruption, C’est chez toi qu’on parle de Népotisme, C’est chez toi qu’on note l’absence de démocratie, C’est chez toi qu’on trouve les chefs d’État qui font plus de trente ans au pouvoir, Oh! Afrique, quelle Afrique, dis-moi ton secret. N’as-tu pas de ressources naturelles pour nourrir tes enfants? N’as-tu pas assez d’hommes pour te développer? Es tu devenu Israël, le pays du fils de Dieu désavoué et condamné à la guerre des cent ans? Qu’as-tu fait au bon Dieu pour être dernier dans tous les combats? Et pourtant tu fais bien la musique pour être intéressante, Caïn, frère d’Abel s’est il réfugié chez toi après avoir tué son frère? Oh! Afrique, jeune Afrique livre-moi ton secret.
Les blessures que tu as sur le visage, quel est médecin doit les panser? Les bailleurs de fonds en échange de tes richesses mettent à ta disposition des millions pour t’aider à réduire ta pauvreté, où mets tu cet argent? Les routes, tu n’en as pas. Les hôpitaux, tu n’en as pas. Qu’as-tu fait pour mériter un tel sort? Oh! mon Afrique, qu’as-tu fait à Dieu? La malédiction d’Adam n’a-t-elle agi que sur toi? Oh!Afrique, quel est ton secret?
Oh!Afrique, continent oléagineux, Continent d’Arabes, Continent de pieds noirs, Continent des noirs, Dis-moi tout.
Oh! Mon Afrique, Dis-moi ton secret et je me tairai, Dis-moi ton secret et je comprendrai, Dis-moi pourquoi tu es pauvre quand les autres sont riches, Dis-moi pourquoi tu dors quand les autres sont éveillés.
Oh!Afrique, L’Afrique des destinées troublantes, L’Afrique de Myriam Makéba, L’Afrique des os perdus et des guerres intarissables, L’Afrique d’Ezaboto et de Sembene Ousmane, Si nos ancêtres revenaient, que diraient-ils de toi? Si Dieu recréait les continents te recréerait-il encore? Et pourtant tu m’as enfantée et si bien façonnée, Et pourtant je tiens de toi ce nom qui me rend célèbre.
Oh! Afrique, la sœur de l’Amérique, le contraire de l’Europe, Pourquoi ta technologie n’est –elle pas avancée? Pourquoi tes magiciens sont ils des charlatans? Oh! Afrique, mon Afrique, Ton or et ton pétrole ne suffisent ils pas pour te rendre riche? Ton diamant, n’est il pas exploitable? Oh, Afrique, encore une fois, dis-moi ton secret.
Dis-moi également qui t’a créée, Est-ce le Dieu d’Amérique? Est-ce le Dieu d’Asie? Est-ce le Dieu d’Europe?
Ah! mon Afrique, La belle Afrique au climat touristique, L’Afrique aux richesses variées, L’Afrique des contrastes et des milles détours, Peux tu répondre à mes questions? Combien de temps te faut-il pour te développer? Attends-tu que je meure avant de le faire? Attends-tu que je meure avant de le faire? Attends-tu mon premier enfant ou ma première fille? Oh! mon Afrique, Las, dis-moi ton secret.
Claudine AMBADIANG |
Je viens de lire un très intéressant livre : "the curious case of the dog in the night time" de Mark Haddon, et c'est à la fois très passionant et d'une grande lisibilité (même en anglais).
Le héros du roman est un jeune homme de 15 ans, atteint d'une forme d'autisme de haut niveau, qui s'aventure rarement au delà du bout de sa rue, et qui, un soir, trouve le chien de sa voisine mort dans le jardin de sa voisine et décide d'enquêter pour savoir qui l'a tué.
Pour préciser le terme "autiste" que j'ai employé ci-dessus, le héros est atteint du syndrome d'Asperger, dans lequel le sujet est incapable de déceler les expressions faciales ni les signes d'émotion chez les autres, il n'a aucun moyen de détecter l'état d'esprit de ses semblables, et n'a qu'une très vague modélisation de l'humeur des gens qui l'entourent. Il ne comprend pas le second degré, ni la métaphore, ni la plaisanterie. Il a par contre de grandes aptitudes au raisonnement déductif et de grandes prédispositions aux mathématiques. Il aime que tout soit bien rangé : soit il y a une solution logique et univoque et il fait tout pour la comprendre, soit il crée des règles arbitraires et bien fixées qu'il applique ensuite à la lettre pour éviter de laisser une quelconque place à l'incertitude (exemple: il a décidé un beau jour que 3 voitures rouges d'affilée voulaient dire que c'est un grand jour, et dans un "grand jour" il se comporte d'une certaine manière ; par contre, deux voitures jaunes qui se suivent, et c'est un mauvais jour, où il applique d'autres règles).
C'est un livre à la fois drôle et triste, vu intégralement du point de vue du jeune autiste, qui est loin d'être bête et qui a une vision originale sur ses semblables et sur les us et coûtumes de notre société. Son point de vue "extérieur et objectif" sur nos comportements quotidiens et nos conventions non-exprimées est extrêmement intérressant.
Dans ce livre, le héros ne fait pas grand chose d'autre que d'interroger quelques voisins, de faire un travail de détective minutieux qui lui ramène quelques vérités cachées sur sa propre famille et sur des choses qui se sont passées dans son quartier, et finalement, de faire tout seul un voyage de quelques centaines de kilomètres, mais je peux vous assurer que c'est une grande aventure, dans son cas. Tout, ici, est une question de point de vue...
On pourrait presque faire un parallèle avec, par exemple, "en terre étrangère" de Heinlein (en plus limpide et construit au niveau de la mentalité de "l'étranger" qui nous regarde, et sans le mic-mac religieux de la fin du roman de Heinlein).
Ca m'a donné envie d'en savoir plus. Du coup, j'ai trouvé sur le Net un livre écrit par un Asperger à l'usage des autres Asperger (http://www.asperger-marriage.info/survguide/introduction.html), qui explique sous forme de règles clairement énoncées les fameuses règles sociales que tout le monde connait et applique d'instinct sauf bien sur les Asperger. Ces derniers sont souvent capables d'appliquer des règles formelles aussi complexes et arbitraires qu'ils le veulent, mais ils ne connaissent pas les règles sociales de base qui paraissent si évidentes à tous les autres, et ils n'ont aucune idée de savoir si vous leur faites un grand sourire amical, ou si vous êtes en colère après eux, sauf par un effort conscient d'analyse du visage et de l'attitude de leur intelocuteur en référence à des règles volontairement apprises.
Bref, le miroir qu'ils tendent à notre société, et aux groupes d'êtres humains me semble extrêmement intérressant. Et la compilation des règles sociales en question me parait avoir un intérêt qui va bien au delà du lectorat visé...
Zénon
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Le bizarre incident du chien pendant la nuit
The Curious Incident of the Dog in the Night-Time
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